Claveyson en Drôme
LE CLAVEYSONNAIS
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N°7 - l-Carine Cheval
Chronique d’une élue : Carine Cheval par Séverine Michel et Frédéric de Flaugergues
Plutôt que de rester fille unique, cela m'a fait du bien d'avoir toujours plein d'enfants autour. J'ai commencé ma scolarité à l'école Saint Sébastien. J'ai fait tout mon primaire là-bas. J'ai eu très peur en fin de primaire avec madame Balmain. A l'époque, on allait à l'école avec la peur au ventre. Séverine – C'était une très bonne maîtresse. Carine – C'était une très bonne maîtresse. On est arrivé en 6ème fin prêts. Je revois ces moments sans regrets, mais avec beaucoup de peur quand-même. J'ai passé pas mal de récrés dans la classe à cause des maths qui ne rentraient pas. Tant que tu ne trouvais pas la solution, tu restais coincé là haut. A cette époque, j'allais manger chez mes grands parents Arsel tous les midis et le dimanche. Longtemps nous sommes allés nous promener tous ensemble, l'après-midi (sur une foire, en Ardèche, dans le Vercors, sur les routes drômoises…) Au collège, je suis allée deux ans à Saint Donat. Mon père travaillant à St Donat, je bénéficiais de son aller-retour en voiture. Je partais à 6 heures du matin pour revenir à 18 heures le soir. Du coup, j'ai fait mes deux années de 4ème sur St Vallier. Les horaires étaient plus corrects. J'avais presque l'âge de pouvoir partir en formation professionnelle en C.A.P. coiffure. Mon prof principal m'a grandement soutenue. A cette époque toutes les filles faisaient secrétariat – comptabilité. Lui m'a dit : « Ecoute, le cycle normal, ce n'est pas fait pour toi. Tu vas t'éclater dans la coiffure. Depuis que tu es chez nous, tu parles de coiffure. » Je suis donc partie en C.A.P. à moins de 15 ans avec une dérogation de mes parents. Après deux ans je suis sortie plus jeune diplômée en C.A.P. coiffure de la Drôme. J'ai fait deux autres années de spécialité avec la mention complémentaire en coloriste et permanentiste. J'ai continué encore deux ans pour passer mon B.P. en 1998. Séverine – C'était quelle école ? Carine – A Valence. J'y étais donc de 1991 à 1998. Entre temps, je suis allée à Lourdes pendant 3 ans avec une copine, Agnès. Nous sommes restées très proches. Nous étions brancardières. Nous nous occupions des malades la journée, et le soir nous faisions un peu la fête. C'était nos premières vacances. On donnait un peu de soi et en même temps on en profitait un peu. C'était super. J'ai rencontré des gens qui te donnent le moral. Je me rappelle de monsieur et de madame Mercier qui, avec leur sourire, m'ont appris à prendre la vie du bon côté. Le bonheur, pour eux, c'était simplement d'être entourés, sans mettre en avant leurs misères. A partir de là, je suis restée très optimiste. Cela ne m'a pas quittée. « Aller de l'avant avec le sourire » est devenu ma devise.
Les corsos, les chars fleuris, les majorettes n'ont plus de secrets pour moi. Frédéric – Tu jouais de quel instrument ? Carine – De la clarinette. Frédéric – Et tu as arrêté la clarinette ? Carine – Oui. J'ai laissé l'instrument à la fanfare. Je n'avais pas l'argent pour m'acheter un nouvel instrument, alors j'en suis restée là. Frédéric – Et tu n'as pas envie de reprendre ? Carine – Si je rejouais d'un instrument, aujourd'hui, ce ne serait plus dans une fanfare. Ensuite j'ai rencontré le papa de ma fille. Nous étions fadas de moto. J'ai passé mon permis moto en 1998. Nous en avons bien profité, puis Dolores est arrivée. Je n'ai donc plus pu conduire la moto. Nous nous étions mariés en 98 et avons divorcé en 2002, sans rien regretter puisque Dolores navigue entre son papa et sa maman qui vivent à 500 mètres. Tout se passe donc très bien avec une très bonne entente. En 2004, j'ai fait une nouvelle rencontre. Olivier est arrivé dans ma vie et celle de Dolores. Je vais revenir sur ma vie professionnelle. J'étais chez un employeur depuis 93, et j'ai travaillé 7 ans avec elle. En février 2001, je me suis installée à mon compte au village. J'ai fait des stages, employé du personnel. Chaque saison étant différente, j'ai continuellement suivi des formations. J'adore mon boulot, tout bouge, le travail, les clients aussi. Je vois des petits, des parents. Je rencontre plein de gens différents et cela m'apporte plein de choses. Frédéric – Qu'est-ce qui t'a décidée à changer de local ?
Avant 20 ans, je ne pensais pas rester en campagne. J'ai vécu petite au fin fond de St Andéol. Je ne voyais personne. Sans regrets, car mon équilibre s'est bâti ici, mais c'est vrai que passer sa jeunesse ici était difficile. Du coup, à 20 ans, on se dit : « Je vais aller en ville. » Je suis restée 6 mois en ville et… je suis revenue. Et oui, toute ma vie est ici. J'ai vu ma source couler depuis toute gamine et quand je n'entends pas ma source couler, je suis malheureuse. Elle est chargée de souvenirs. Les dimanches où l'on s'est joyeusement balancé dedans, bien qu'elle soit très fraîche. Dolores n'a pas encore fait son tour dans la source mais ce ne saurait attendre. Cette maison appartenait à l'oncle de mon grand-père. Il n'avait pas d'enfant. Mes grands-parents étaient du Vercors. L'oncle leur a proposé de prendre cette ferme avant la guerre. Ils habitaient à Echevis, en dessous des grands-goulets. La vie y était rude. J'ai encore une tante qui vit à Echevis, ainsi que deux cousins, dont un qui y possède une pisciculture. Mes grands-parents Cheval se sont mariés en 1938. En 1939, ils se sont donc installés ici. Ils ont eu une petite fille : la sœur ainée de mon père. En 1940, mon grand-père est parti en Allemagne, prisonnier pendant 4 ans. Il s'est ensuite évadé. Ma grand-mère avait envoyé un courrier disant que sa mère était mourante et qu'il devait rentrer. Le droit de rentrer lui fut accordé, mais il devait revenir en Allemagne. Il n'est pas reparti. Il s'est caché jusqu'à la fin de la guerre, d'abord sur Geyssans, puis sur St Andéol. Il est resté dans des baumes, dans les bois. Ma grand-mère appelait son chien, c'était le signal pour venir manger, puis il repartait aussitôt passer sa journée dans les bois et sa nuit avec. Frédéric – Il a vécu cette vie combien de temps ? Carine – Un an. Des personnes de St- Andéol l'on également aidé à se cacher. Il me racontait qu'il eût été déguisé en femme pour traverser les champs. Pendant tout ce temps ma grand-mère a élevé sa fille toute seule. La guerre terminée mon grand-père put réapparaître et il eut une fille puis un fils (c'était mon père). Mon grand-père participa au conseil municipal de 1948 à 1965, soit trois mandats. Mon père, né en 1947, a fait un mandat de 1971 à 1977. Vous imaginez donc que les repas de famille étaient intéressants. Le côté voirie m'a toujours plu : « Et le chemin untel est privé, et l'autre chemin est public. » Le droit de vote a été pour moi un grand moment. Beaucoup de questions, on se sent très responsable. Le vivre dans son village sous forme d'élu est encore plus intéressant. On vit les idées au départ, on les nourrit, puis elles sortent au grand jour. Les suivants amélioreront peut-être encore ces idées comme le bon vin qui s'affine. Frédéric – Comment s'est passé ton entrée au conseil municipal ? Carine – Pour me présenter, au départ, je me suis fait un peu tirer par le bras. J'avais peur de ne pas être capable de vivre cette expérience. J'ai demandé à réfléchir. J'en ai parlé à mon père qui l'avait vécu. Si quelqu'un pouvait me donner un conseil, c'était lui. Il m'a encouragée : « Si tu en as envie, fais-le, c'est vraiment à vivre au moins une fois. Finalement, je me suis lancée. J'ai trouvé l'expérience formidable, grisante même. C'est tellement intéressant que l'on voudrait participer à toutes les réflexions. Mais il faut savoir se mettre des limites si l'on veut faire les choses correctement. J'ai donc essayé de prendre les commissions qui me plaisent le plus, comme la voirie, les bâtiments, l'agriculture et l'artisanat. C'est formidable à vivre. Il suffit d'avoir des idées pour vivre cette expérience, un peu de temps également et du bon sens. Je ne peux que conseiller cette expérience. Frédéric – Au niveau du conseil municipal, est-ce que tu as des idées bien précises à faire passer ? Carine – Non. Pour l'instant, au sein du conseil, je suis vraiment là pour apprendre. A partir de là peut-être que les idées arriveront. Je me nourris de ce que je rencontre, mes idées viendront en temps et en heure. Je poursuis quelque chose qui est commencé, j'aide à sa continuation. Entretenir ce qui a été fait, ne pas trop le modifier, garder Claveyson comme il est, me plaît. Que d'autres personnes aient envie de vivre avec nous, c'est super. Nous aimons notre village, il ne faut pas être égoïste, nous devons le partager et le faire partager. Il faut rester néanmoins dans le contexte « petit village ». C'est de plus en plus rare comme qualité de vie. Il faut protéger Claveyson, mais ne pas le laisser mourir. J'apprécie beaucoup le contact. Je le vis avec mon métier. Je le vis maintenant aussi avec le conseil municipal. J'espère que j'apporte aux autres. En tout cas, les autres m'apportent beaucoup. Je continue donc sur ce chemin. Frédéric – Pour ta famille, comment vois-tu le futur ici à St Andéol, puisque tu envisages d'y rester ? Carine – Oh oui ! Au départ, mes parents m'ont proposé de rénover une dépendance. C'est ce qu'on a fait. J'y ai vécu 10 ans. Je voulais améliorer mon habitat. Avec Olivier, nous nous sommes posé la question d'agrandir, de construire. C'est alors que mes parents m'ont proposé de récupérer l'habitation principale. Elle correspondait à nos goûts, en la mettant à nu et en la modifiant. On s'est remonté les manches, on s'est rempli de courage et pendant 18 mois on a travaillé dedans, Olivier tous les soirs et moi surtout les samedis et dimanches, et plutôt à la fin des travaux. Le papa d'Olivier nous a énormément aidés. Nous sommes arrivés à quelque chose qui nous plait vraiment. Nous avons atteint notre but. Il reste une pièce à finir, car j'avoue que l'on a un peu relâché la pression ces derniers temps. Une maison, ce n'est jamais fini. Le courage reviendra de lui-même. Me connaissant, patiente mais avec mes limites, le chantier ne va pas durer longtemps. Et puis nous envisageons aussi d'aménager l'extérieur et de modifier un peu le bassin. Il a été un peu transformé. Il fuyait de partout, la mousse poussait, les abeilles volaient autour. Mon père a détruit l'ancien bassin pour y mettre une espèce de bac à fleurs. Cela ne me va pas du tout. On va donc essayer de le refaire en pierre. Séverine – Vous aviez le même bassin que chez mes grands-parents ? Carine – Oui, pareil. C'est tout à fait ça. Malheureusement, il a mal fini. Frédéric – Tu veux le refaire à l'identique ? Carine – Non. On voudrait y mettre deux ou trois nénuphars, des carpes Coï. Olivier se chargera de sa nouvelle forme. Dans la maison, on a changé quelque chose qui me chagrinait depuis longtemps. Nous avions une cheminée avec une plaque de marbre un peu sombre qui me faisait penser à une pierre tombale. Elle m'aurait fait perdre ma gaîté. Mon aimable beau-père, antiquaire, nous a trouvé des pierres de cheminée de Rochemaure. Mes beaux-parents sont du sud de l'Ardèche. Nous avons maintenant un morceau de Provence dans le salon et ça restera comme cela. Frédéric – Tu as eu une démarche qu'ont eu peu de Claveysonnais, restaurer la ferme des parents ? Souvent les jeunes construisent à côté ou s'en vont. Je n'ai pas d'exemple en tête, où les enfants aient restauré la maison des parents ou des grands-parents. Séverine – Si, Thierry Mercier Carine – Olivier et Natacha, mes voisins, aussi, mais ils ont restauré à côté, ce n'est pas tout à fait pareil. Je dois quand- même préciser que si mes parents n'avaient pas eu la gentillesse de nous donner leurs biens avant d'être trop vieux, on n'aurait pas pu le faire non plus. Souvent les parents décèdent et les enfants sont déjà installés depuis longtemps. Frédéric – Tes parents t'auraient laissé la maison des grands-parents, tu aurais rénové la maison des grands-parents. C'est une démarche qui est en toi ? Carine – Ah ! Oui. J'avais envie de rester et de restaurer l'existant. De plus, je suis fille unique. La seule qui s'occupera de mes parents, c'est moi. Ils m'ont apporté tellement pendant que j'étais gamine, et même encore aujourd'hui avec Dolores, que je ne peux pas les abandonner. Il n'est pas question pour autant de vivre ensemble. Les premières années où mon père a planté des abricotiers, j'avais 12 – 13 ans et un courage pour ramasser les abricots. Mon père me disait : «Tu détruirais une armée entière.» C'était souvent dur en été au soleil, avec les copines en vacances. Je me suis dit plus tard que mes vacances, je les passerai dans les salons de coiffure. Dès que j'ai pu faire des stages, je les faisais pour ne pas être à la maison pendant cette période. Par contre aujourd'hui, j'aime les ramasser. J'ai besoin de lâcher prise. Je compatis peut-être trop avec les clientes qui ont des problèmes. Du coup, c'est lourd à porter. J'avoue que le soir j'ai besoin de revoir ma famille, mes chiens, aller courir un petit peu à Suze, à St Andéol. Frédéric – Donc une co Carine – On me l'a dit en formation : « On est là pour le bien-être de nos clients. Ils doivent repartir avec une coiffure qui leur plaît mais aussi avec un esprit libéré. » J'ai de plus en plus envie de me plonger dans la psychologie, pour m'aider dans mon travail. J'aime tellement toucher le cheveu. J'ai besoin, sans analyser chaque être, de comprendre comment chacun fonctionne pour être sûr qu'ils repartent du salon avec du bien-être. C'est un domaine qui m'attire et mon métier me le fait ressentir tous les jours. Le plus dur est quand on est seul avec un client. Tant qu'il y a du monde, on parle de tout et de rien. Mais quand on se retrouve en tête à tête les sujets plus sérieux sont abordés. C'est super agréable, j'arrive à comprendre des choses qui peuvent me concerner aussi, alors c'est aussi très lourd. Frédéric – Les clients sont conscients qu'ils vont se libérer chez toi, ou ça vient naturellement pendant que tu coiffes ? Carine – Certains viennent pour partager ce moment et se livrer. Ils me disent que ça les libère de pouvoir parler sans être jugé. La neutralité permet aux personnes de ne pas être contrariées. Tous les mois, ils savent qu'ils vont pouvoir parler à une personne qui les écoutera. Frédéric – C'est vraiment le rôle du psychologue ? “ Tous les mois je vais au salon… ” Carine – “ … vider mon sac ”. Ce n'est pas toujours évident. Au salon, j'écoute. Au conseil, j'écoute, mais je peux agir également. Je construis plus. C'est un peu plus bénéfique pour moi. Pour conclure, je dirais que j'ai un métier qui est super intéressant, ça bouge sans arrêt et en même temps je fais plein de rencontres. Et j'ai mon chez moi avec mes racines, ma nature et c'est ce qu'il me faut. Je me sens équilibrée. Séverine – C'est bien de pouvoir dire : « J'ai ce qu'il me faut. » Date de création : 03/03/2009 · 19:47 Réactions à cet article
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