Claveyson en Drôme
LE CLAVEYSONNAIS
Nature
Liens utiles
|
N°6 - e-Les pigeonniers
Les pigeonniers Par Claire et Bernard Schneider Le pigeonnier de Champana A l'origine, les pigeons bisets vivaient dans les falaises rocheuses, les montagnes ou les zones désertiques. Depuis l'Antiquité, les hommes ont apprivoisé les pigeons qui leur fournissaient un mets délicat et dont les fientes donnaient un engrais très fertile. L'élevage du pigeon était initialement alimentaire. Mais ses compétences de grand voyageur revenant fidèlement à son pigeonnier ont bien vite été observées et le « pigeon voyageur » est né. C'est, entre autres, la magnétite présente dans certains tissus de son cerveau qui, équivalente aux composants de nos boussoles, l'aide à retrouver aisément son pigeonnier même quand il est relâché à plusieurs centaines de kilomètres. En Orient, on utilisait les pigeons porteurs de messages aux caravanes isolées dans le désert. Les Romains communiquaient avec des villes assiégées au moyen de pigeons voyageurs. La colombe joue ce rôle de messagère des Dieux. N'est-ce-pas une colombe que Noé envoie pendant le déluge et qui revient avec un rameau d'olivier ? Elle met en communication Dieu et les Apôtres dans le Nouveau Testament. Ce sont des colombes qui tirent le char de Vénus. C'était aussi le seul oiseau qu'on laissait vivre autour du temple de Delphes. C'est pour toutes ces raisons qu'un tel oiseau ne pouvait être « que dans la maison de ceux dont la profession est d'acquérir la gloire » La classe privilégiée se consacre à l'élevage des pigeons dès l'époque romaine (pigeonnier rond appelé columbarium). Au Moyen-âge, les nobles construisent des pigeonniers pour leur table. Les paysans voisins profitaient parfois des déjections des pigeons mais subissaient les attaques des volatiles aux semailles et à la maturité des céréales. Le droit de colombier, réservé aux nobles, seigneurs-justiciers, était matérialisé par un bâtiment spécifique, distinct des autres logis. Le paysan ne pouvait avoir son four ; il devait apporter son pain au four banal du château ou de l'abbaye, et payer une redevance pour le faire cuire. Il ne lui était pas permis non plus d'avoir un pigeonnier. Il en était des pigeons comme des troupeaux de bêtes à cornes et à laine, ils appartenaient au seigneur, qui seul pouvait en tirer un produit. Les troupes de pigeons étant un rapport, ceux qui avaient le privilège de les entretenir cherchaient tous les moyens propres à en rendre l'exploitation productive. La construction d'un pigeonnier était donc une affaire importante. Chaque château disposait d'un colombier avec un rez-de-chaussée utilisé comme logement, étable ou remise et un étage dont les murs intérieurs étaient compartimentés en niches appelées boulins. Dans chaque niche couvait un couple de pigeons. Un tel pigeonnier, dit pigeonnier à pied, pouvait contenir plusieurs centaines de niches et abriter jusqu'à deux mille pigeons, et seul le seigneur haut justicier avait le droit d'en posséder un. D'autres privilégiés à la tête d'un manoir ou d'une abbaye sans tour ni donjon avaient des pigeonniers plus petits (soixante à cent vingt niches) placés au-dessus d'un porche ou sur quatre piliers, faits de planches, appelés volières. Au XVIIème siècle, on estimait le nombre des colombiers en France à 42 000. Certains pigeonniers à pied avaient un plan circulaire et étaient équipés d'échelles permettant le nettoyage des niches, d'autres un plan carré, avec une seule ouverture à l'étage pour le passage des pigeons. Quel que soit le type d'architecture, ils devaient répondre aux normes de construction particulières, réservant aux oiseaux un cadre agréable et les protégeant des prédateurs. Ainsi, la porte devait fermer à clef ; les murs étaient crépis à la chaux et au sable fin, bien lisses pour empêcher les rats, fouines et autres nuisibles de grimper. Le toit, muni ou non d'un clocheton, devait avoir une bonne pente pour faciliter l'évacuation des fientes par la pluie. A l'intérieur, les murs étaient blanchis, favorisant une meilleure luminosité. les boulins, vue intérieure du pigeonnier de Champana Posséder un pigeonnier était un signe de richesse et de respectabilité. Le profit était double : c'était d'abord un mets de choix et de roi ; en 1393, la Maison du Roi en consommait journellement 400 sous différentes formes : rôti, farci, en ragoût, tourte ou soupe ; la médecine l'utilisait aussi pour « nettoyer » les reins, le sang mélangé avec du fiel d'anguille contre les tâches oculaires. La fiente qui répondait au joli nom de « colombine » s'utilisait en cataplasme. Par ailleurs, c'était avant tout le plus riche engrais de la ferme, riche en azote et en acide phosphorique ; il servait à la fumure de cultures exigeantes comme le chanvre et le tabac. Cet engrais, le meilleur jusqu'au XIXème siècle, devait être battu au fléau pour le rendre plus pulvérulent, et étendu par temps de pluie pour le diluer et éviter de brûler les cultures. Avant l'apparition des engrais chimiques, l'importance de la « colombine » était telle dans certaines régions, que sa valeur était stipulée dans les baux de métayages ou pouvait figurer dans les contrats de mariage comme partie de la dot. Un pigeon en produit de deux à trois kilos par an. Autre utilisation de la fiente de pigeon : la production de salpêtre pour faire de la poudre à fusil. L'intérêt de l'élevage des pigeons tient à leur forte et rapide capacité de reproduction : toutes les cinq semaines, de mars à septembre, la femelle pond deux œufs ; le mâle participe à l'incubation comme il aidera plus tard sa compagne à nourrir les petits. Le mâle et la femelle « allaitent » leurs petits. C'est un liquide produit par le jabot qui est régurgité dans le bec des pigeonneaux auxquels les parents laisseront passer quelques petites graines au fur et à mesure que leur progéniture grandit. Ainsi un pigeonnier de cinq cents nids pouvait donner 160 pigeonneaux par semaine. Il existe un pigeonnier de ce type (c'est-à-dire à pied) à Claveyson, au lieu-dit Champana. C'est une imposante bâtisse carrée, avec des murs en pierres comme celles de l'habitation principale, de six mètres de côté et d'une hauteur d'environ six mètres, surmontée d'un toit à quatre pentes recouvert de tuiles « écaille ». On ne monte au pigeonnier que par une échelle extérieure que l'on dresse devant la porte donnant sur le plancher du premier étage. Sur les quatre murs se trouvent les niches ou boulins qui accueillaient les couples de pigeons ; on en compte 370. Ces boulins sont creusés directement dans la pierre, alignés sur les quatre murs et sur six rangées de hauteur. Ils étaient donc tous accessibles depuis le plancher. La pièce du rez-de-chaussée, sous le pigeonnier, devait servir de remise, car on ne trouve aucune trace ni de poulailler, ni d'étable ; on y accède par une porte située sous la porte du pigeonnier, il y a deux fenêtres, l'une au nord, l'autre au sud. La construction est agrémentée d'une corniche qui fait le tour du bâtiment juste sous le toit, et d'un œil-de-bœuf situé entre la porte du pigeonnier et celle du rez-de-chaussée. Au cours des siècles, ce bâtiment a perdu son usage premier et a sans doute servi d'entrepôt : on y retrouve deux cuves à vin, l'une en ciment, l'autre en bois. De nombreux morceaux de ficelle terminés par des petits crochets rappellent la culture du tabac ; on y suspendait les feuilles pour les faire sécher. Ce pigeonnier fut le témoin muet de la vie sociale de la paroisse de Claveyson et Saint-Andéol. Les conflits entre privilégiés et paysans roturiers se multiplièrent au XVIIIème siècle, notamment à cause du droit de chasse et du droit de colombier. Les seigneurs nobles cherchaient à renforcer leurs privilèges en exhumant d'anciens textes des archives seigneuriales. De leur côté, les paysans réagissaient par le braconnage et ne se privaient pas de tuer les pigeons qui ravageaient leurs semis ou leurs céréales avant la moisson. Lorsque le Roi décida de convoquer les Etats-Généraux en janvier 1789 afin de résoudre la crise financière, l'administration demanda aux trois ordres (noblesse, clergé et tiers-état) de rédiger des cahiers de doléances. Dans les cahiers des paroisses rurales (bourgeoisie, paysans), on peut lire les revendications au sujet des pigeons. Voici ce qu'écrivent les paroissiens de Clichery (Baillage d'Auxerre dans l'Yonne) : « Nous exposons que les pigeons causent les plus grands dommages dans nos terres ensemencées et que ceux qui les tueront à l'avenir ne soient plus exposés à des amendes si fortes et à la peine des galères ». Les habitants de la paroisse de Branches « observent qu'il existe dans cette paroisse cinq colombiers contenant au total plus de deux mille pigeons qui mangent les grains de toutes espèces lors des semences et depuis qu'ils commencent à être en maturité jusqu'à la récolte faite… » Les propriétaires de colombiers et volières seront obligés de tenir leurs pigeons enfermés dans les temps de semences et depuis le mois de juin jusqu'à la récolte, sinon qu'il soit permis à tous les cultivateurs de les tuer sur leurs héritages ». Ces cahiers, rédigés de mars à mai 1789, existent sous une forme particulière en Dauphiné. C'est une commission qui interroge les représentants des villageois. En ce qui concerne Claveyson et Saint-Andéol, la commission n'a pas enregistré de plainte concernant le droit de colombier, mais les paroissiens n'ont sans doute pas pu s'exprimer librement. Le document répond à vingt-quatre questions concernant la surface des deux paroisses ( Après cette longue période de domestication, bon nombre de pigeons sont retournés à l'état sauvage (début du XXème siècle), abandonnant les pigeonniers pour s'installer le plus souvent en ville où ils occupent des constructions dont la verticalité évoque leurs falaises d'origine. Le pigeon des villes est le descendant du pigeon domestique, lui-même issu du pigeon biset initialement sauvage. Restent les pigeonniers, vestiges du passé, progressivement abandonnés par leurs hôtes, dont l'entretien minimum constitue aujourd'hui une charge bien lourde. Leur protection se pose de façon pressante si l'on veut éviter leur disparition définitive comme ce fut le cas pour les moulins dans certaines régions. lieu-dit : les Bernards lieu-dit : Suze Références : file://F/Lespigeonniersetleurhistoire.htm http://ladombes.free.fr/Tous_les_Pigeonniers.htm Catalogue n°3 B.N.Opale plus : cahier de doléances du baillage d'Auxerre Encyclopédie (D'Alembert-Diderot) 1765 Date de création : 16/02/2008 · 13:37 Réactions à cet article
| Connexion...
Blasons de Claveyson
Recherche
Rédacteur
![]() Rédacteur en ligne : 0 Visites
diaporamas
Firefox
Nouvelles des Amis
|